Le dur désir de durer (1)

Il y a deux ans, notre éditorial s'intitulait : « De l'angoisse à l'espoir ». Depuis lors, la situation au Moyen-Orient s'est plutôt aggravée en ce qui concerne le conflit israélo-palestinien.

 La politique de colonisation frénétique de la nouvelle droite israélienne a acculé ce pays dans une impasse : d'une part, son isolement diplomatique s'est accru, d'autre part il est devenu impensable de déplacer le demi-million de colons, en grande partie fanatisé, tout comme de laisser installer des fusées du Hamas à côté de la grande banlieue de Tel-Aviv. Après l'invasion du Liban, il y a eu l'horreur de celle de Gaza.

De même que l'invasion de l'Iraq a détruit en profondeur ce pays, comme le montre Life after the Fall de Kasim Abid, de même les deux invasions israéliennes ont détruit, et le Liban et la Palestine. C'est pour cette dernière que les conséquences sont les plus tragiques car, déjà divisé géographiquement, l'espace palestinien l'est désormais politiquement, dans une tension qui oppose un Fatah, en perte de vitesse devant son impuissance à obtenir quoi que ce soit d'Israël, à un Hamas renforcé par l'énergie du désespoir.

Notre programme de cette année rend compte une fois de plus de l'extension du conflit à toutes les régions du monde. L'absence de la Syrie est due à des  conditions politiques dont la dureté de son régime n'est pas l'unique responsable, la Syrie ne produit que deux à trois longs métrages par an. Par contre, l'Iran fait son entrée dans cette programmation avec des films réalisés par des cinéastes qui ne vivent plus dans le pays. La programmation sur l'Iraq traite pour la dernière fois de l'agression américaine avec Iraq for Sale et No End in Sight (Irak, de la dictature au chaos).

Face à une situation aussi désolante, notre mission, celle du cinéma, est plus que jamais nécessaire. Surtout ne pas renoncer, mais, grâce au cinéma, donner à voir, donner à penser, secouer la résignation et l'indifférence molle, stimuler l'intelligence.

Notre soirée d'ouverture est à cet égard symbolique : autour d'un beau film, Ajami, oeuvre conjointe du Palestinien Scandar Copti et de l'Israélien Yaron Shani, elle réunira en débat nos amis fidèles Leïla Shahid, Dominique Vidal et Michel Warschawski. Départ en fanfare ouvrant une quinzaine de défis à l'impossible, avec une riche programmation de films de Palestine, d'Israël, du Liban, d'Iraq, d'Iran, et de réalisateurs américains et européens concernés par cette thématique.

Beaucoup d'entre eux sont des nouveaux venus, jeunes ou pas encore connus ici, et leurs films bien souvent ne bénéficient ou ne bénéficieront d'aucun circuit commercial.

Les débats qui clôtureront chaque journée sur Gaza, le Moyen-Orient en général, les femmes (au rôle primordial et sans cesse croissant), l'Iraq (en temps de guerre mais aussi aujourd'hui), la colonisation israélienne, l'exil, le Liban, l'Iran (pour la première fois). Ces débats, confiés aux réalisateurs et aux plus prestigieux spécialistes de la région illustreront à la fois l'étendue en apparence désespérante des problèmes, et la richesse des réponses possibles.

Avec eux tous, nous tiendront tête à la bêtise, à la brutalité et au cynisme, le pire ne triomphera pas ! No Pasarán !

Janine Halbreich-Euvrard

(1) titre d'un recueil de Paul Eluard de 1946



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